mercredi 13 octobre 2010

Vivre au-dessus de ses moyens

L’humanité vit au-dessus de ses moyens, conclut un rapport du World Wildlife Fund dévoilé mercredi. À tel point que si rien ne change, nous aurons besoin de l’équivalent de deux planètes Terre pour subvenir à nos besoins d’ici 2030.

L’étude de quelque 120 pages dresse un portrait aussi simple que sombre: l’écart entre l’empreinte écologique de l’humanité et la capacité de regénération de la planète ne cesse de s’accroître. Le Canada occupe d’ailleurs une place peu enviable dans le rapport, puisqu’il figure au 7e rang des pays à la plus haute empreinte écologique.

L’humanité vit au-dessus de ses moyens, selon WWF
Gabriel Béland, La Presse, 13 octobre 2010

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Ben oui, l’humanité vit au-dessus de ses moyens. C’est en effet ce que nous dit l’édition 2010 du rapport Planète Vivante du World Wildlife Fund. C’est aussi ce que disait son rapport de 2008, ainsi que ceux de 2006 et de 2004. On peut prévoir que c’est aussi ce que diront les prochaines éditions, et ce, j’en ai bien peur, jusqu’à ce que l’huissier vienne finalement frapper à notre porte. On peut d’ailleurs retracer cette idée de l’humanité qui vit à crédit jusqu’au Club de Rome et son Rapport Meadows, publié en 1972.

Plus près de nous, on se souvient de Lucien Bouchard qui aimait à répéter que le Québec vivait au-dessus de ses moyens. Il y a aussi Jean Charest qui nous en a prévenu, de même que tous les soi-disant Lucides et autres Bernard Landry. Sauf qu’eux ne parlent pas d’environnement, puisqu’ils préconisent de doubler, voire tripler la production. Ce qui implique naturellement une hausse de la consommation, l’idée étant de créer de la richesse. C’est vrai que si on est riche, on peut se permettre de vivre dans un environnement plus agréable.

Mais ça, tout le monde le sait. Pensez-vous que les Indiens ou les Chinois ne sont pas contents de pouvoir enfin s’acheter une auto ou un téléviseur 55.pouces Full.HD? Bien sûr que oui, et on les comprend. Ce qui fait qu’il est évident que la consommation va continuer à augmenter, en Chine comme au Québec. On pourra essayer de se donner bonne conscience en faisant de «petits gestes», comme on dit, mais ça ne trompe personne. On sait bien que ça ne suffira pas.

Alors, comment se sortir de cette impasse?

Eh bien, moi je propose qu’on fasse une troisième guerre mondiale. Je suis sûr que vous y aviez pensé vous aussi, mais que vous n’oseriez pas le dire. Moi j’m’en sacre, je signe sous pseudonyme. Je sais, ça a l’air radical comme solution, mais au moins c’est plus réaliste que de penser qu’on pourrait réussir à vivre selon nos moyens. Tandis qu’avec une guerre bien menée, on pourrait réduire le nombre de consommateurs de façon substantielle, ce qui fait qu’on aurait assez de ressources pour tous. On nous dit que bientôt il nous faudra deux planètes Terre pour subvenir à nos besoins. Ça veut dire qu’il faudrait réduire la population de moitié, tout simplement. Mais comme ça serait un peu juste, mieux vaudrait en éliminer un peu plus, question d’avoir un peu de lousse.

Il faudra probablement améliorer les techniques de guerre si l’on veut réussir à éliminer un minimum de quatre milliards d’individus. On sait que la Première Guerre mondiale, malgré des moyens limités et des méthodes désuètes, a tué environ 20.millions de personnes. De son côté, la Seconde Guerre mondiale a fait un peu mieux avec ses quelque 50.millions de morts, mais on est loin du compte. En plus, il n’est pas question que ça s’étire sur plusieurs années, le temps presse. Heureusement qu’on peut compter sur les armes atomiques.

Finalement, c’est bien le progrès qui va nous sauver.

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Erratum
[15 octobre 2010]

En y repensant, je constate que mon calcul était erroné. Quand j’ai décidé d’éliminer la moitié de la population du globe, j’ai oublié de prendre en compte que les humains n’ont pas tous la même empreinte écologique. Il se trouve qu’on pourrait effectivement se débarrasser de la moitié des humains sans pour autant régler le problème. Il nous faudra donc être plus sélectifs.

Par exemple, si je refais mon calcul en imaginant que tous les habitants de la planète sont Canadiens, ce qui hélas inclut encore les Québécois, le résultat obtenu est entièrement différent.

Selon le WWF, la Terre dispose de 11,4 milliards d’hectares globaux (hag) et chaque Canadien utilise l’équivalent de 7.hag. Donc, si tous les terriens étaient Canadiens, il faudrait limiter leur nombre à 1,6.milliard, ce qui nous obligerait à retrancher 5,1.milliards d’individus. Et ça, c’est si on le faisait aujourd’hui. Plus on attendra, pire ça sera, puisque la population augmente sans cesse, de même que la consommation des Canadiens.

Ce qui m’inquiète, finalement, c’est qu’ailleurs sur la planète, quelqu’un d’autre qu’un Canadien malgré lui fasse le même calcul et en arrive à la conclusion contraire, c’est à dire éliminer seulement ceux qui consomment trop. Il est vrai que ça ferait beaucoup moins de gens à tuer. Car si tout le monde vivait comme le citoyen indien moyen, l’humanité n’utiliserait même pas la moitié de la biocapacité de la planète.

Donc, si vous le voulez bien, on oublie tout ça et surtout, surtout, on n’en parle pas. On ne sait jamais, quelqu’un quelque part pourrait trouver que c’est une bonne idée.

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