Le kriss de Tabanac
Ancien marsouin (infanterie de marine) le lieutenant Delteil a fini sa carrière en Asie du Sud-Est à la fin des années 1920. Il a passé une bonne partie de sa vie à collectionner des objets les plus divers qu’il adressait chez lui à Tabanac. À sa retraite, il décide de rentrer dans sa ville natale pour y couler des jours heureux, entouré de tous ses souvenirs. Parfois, un voisin ou un curieux vient jusqu’à sa porte afin de jeter un oeil sur ce que l’on appelle dans le pays sa « caverne d’Ali Baba ». À sa mort, Delteil, n’ayant pas d’héritiers, lègue sa maison et tout ce qu’elle contient à la commune, qui la transforme en musée. Quoique longtemps ignorée par les touristes, la Maison Delteil a tout au moins le mérite d’attirer les gens des alentours pour qui, bien souvent, les trésors du lieutenant représentent le seul contact avec le monde extérieur. La maison Delteil se trouve graduellement nimbée d’une aura faite à la fois d’exotisme et de magie. La population de Tabanac, en particulier, s’attache à son musée et l’entoure d’un soin jaloux. Cependant, la guerre et la période qui la suit immédiatement imposent d’autres priorités à la commune. La maison Delteil commence à souffrir des outrages du temps et, avec la détérioration de la toiture, protège plutôt mal sa collection. Entre-temps, les touristes fréquentent de plus en plus le musée. Un matin, le gardien découvre avec stupéfaction que l’une des pièces les plus importantes de la collection a disparu. Il s’agit d’un kriss malais serti de pierres semi-précieuses prétendument doté de pouvoirs magiques, dont celui, selon la légende qu’en avait relatée Delteil, de se déplacer tout seul. Immédiatement, les limiers du village se mettent en chasse et les soupçons se portent très vite sur l’un ou l’autre des touristes qui a visité le musée la veille. Mais cette piste ne mène nulle part. Il faut envisager l’impensable : le kriss a été volé par un des résidants de la commune. Cette constatation déclenche alors une véritable chasse aux sorcières au cours de laquelle les notables, tout au moins ceux et celles qui ont un accès quelconque au musée, deviennent alternativement accusés et accusateurs. Des messages anonymes commencent à brouiller les pistes en révélant sur tout un chacun des secrets embarrassants. Sur les entrefaites arrive à Tabanac une équipe de journalistes afin de rendre compte de l’étrange psychose qui s’est emparée de la petite ville. Enfin, grâce à l’intervention de ces journalistes, l’imprécateur est démasqué. Il s’agit du maire de la commune qui a tenté ainsi de détourner les soupçons de sa personne, car il est également le voleur du kriss, la vente duquel devait fournir l’argent nécessaire à la réfection de la maison.
– Eugénie Hydded – 518 p. – 1998 – Fresque amusante d’un microcosme social qui n’est pas sans rappeler la plume simple et savoureuse de Pagnol autant que le souffle poétique de Giono.
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