mercredi 15 avril 2009

Patrouille pas de trouille

Le sous-sergent chef du second régiment de cavalerie montée du troisième Shropshire de Lachine Zéphyr «Sweetbreeze Crackwood» Brisebois patrouillait seul une rue déserte de Kandahar quand, soudain, un effroyable cri déchira l’air au-dessus de sa tête. Visiblement, la femme qui l’avait poussé devait souffrir mille morts pour en arriver à hurler de la sorte.

Son sang ne faisant qu’un tour, et au mépris de toutes les règles de sécurité interdisant d’intervenir sans renfort, le sous-sergent chef se précipita afin d’abattre la porte derrière laquelle devait se dérouler la plus infâme des agressions. Il eut beau s’échiner à grands coups de pied, mais le solide battant résista à tous ses efforts. Finalement, après la quatrième ruade, l’huis s’ouvrit brusquement et, dans l’embrasure, un homme à moitié nu se précipita devant le militaire qui le mit en joue immédiatement.

— Quossé tu veux, mon Mahomet de Kaaba?* lui cria l’homme visiblement courroucé.

L’index sur la détente, «Sweetbreeze» se crispa un peu, soudainement terriblement conscient qu’il serait totalement démuni contre une menace se profilant dans son dos. L’air était empreint d’un silence oppressant uniquement secoué par les sanglots de la femme tapie quelque part dans l’ombre de la maison de torchis.

— J’ai entendu une femme crier!

La colère du civil, nullement démonté par l’aspect menaçant du sous-officier Brisebois, sembla au contraire s’attiser.

— Pis? Chus t’après violer ma femme, le taon d’infidèle impur, ça te dérange? Va donc achaler le monde qui enfreint la loi, pierre noire de minbar!

— Oups! S’cusez-moi, monsieur. Je pouvais pas savoir. J’essayais juste de faire mon devoir.

— Correct, correct, fit le quidam avec un geste de la main qui sembla balayer l’incident. Il referma prestement la porte, tandis que la femme se remettait à hurler à pleins poumons.

En reprenant sa ronde, Zéphyr songea à quel point la présence militaire canadienne avait amélioré le sort de la population féminine dans ce pays.

Autrefois, elles n’avaient pas le droit de crier.

* Pour les besoins du récit les dialogues ont été traduits en français.