vendredi 14 octobre 2022

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La vodka du diable


Dans cet essai décapant, le professeur Mirtàn, éminent biochimiste de l’université de Bombay, fait le procès de la profonde hypocrisie des sociétés occidentales au chapitre des drogues. En effet, dans l’Ouest, le phénomène de la consommation des drogues représente un problème capital dont l’envergure dépasse de loin les simples questions de santé. Lorsqu’il s’agit de drogues dures, dont les effets néfastes sont universellement reconnus, la prise de position est compréhensible. Quoique, remarque l’auteur, les puissances occidentales n’ont pas hésité à prendre les armes afin d’imposer la consommation de l’opium en Asie. Mais lorsqu’il s’agit de drogues bénignes, la morale occidentale s’entête à rejeter du revers de la main toutes les drogues en bloc. Le professeur Mirtàn, dans un brillant exposé à saveur éminemment psychosociologique s’est penché sur la question afin de cerner les origines de cette prise de position si étonnante à ses yeux. Essentiellement, ses hypothèses sont axées autour de trois pôles (mind sets), qui ont forgé l’attitude de l’Occident envers les drogues. Ces trois concepts ont été nommés selon les notions qui les sous-tendent : l’impérialisme, l’acculturation et l’économie. Les attitudes de l’Occident sont tout d’abord impérialistes, car les drogues sont originaires de pays aujourd’hui en développement. Dans le contexte de ce rapport de force, la drogue a longtemps été la seule exportation d’importance à opposer à la mainmise économique des pays industriels. Sur le plan culturel, l’Ouest a toujours éprouvé une grande méfiance envers les produits étrangers, car il ne peut s’agir, dans les esprits chauvins, que de produits de qualité inférieure. Il en va de même des psychotropes en provenance de pays lointains. Enfin, sur le plan économique, le marché de la drogue est un véritable danger, car la montée de sa consommation représente une menace tangible pour les producteurs de boissons alcoolisées, lesquels se retrouvent surtout en Europe et en Amérique. En effet, l’alcool, une autre sorte de psychotrope, a connu une désaffection notable en Occident depuis l’introduction de certaines drogues, le chanvre indien notamment. Ainsi, dans un contexte de mondialisation des marchés, le tout-puissant lobby des producteurs de boissons alcoolisées, craignant pour ses actifs, exerce des pressions de plus en plus fortes sur les gouvernements afin de lutter contre le trafic de drogue. À cet effet, la lutte contre la drogue est plus acerbe aux États-Unis, le plus important exportateur mondial, en volume métrique, d’alcool éthylique.


 – Sanjay Mirtàn – Première publication : 1991 sous le titre No Lack of Spirit – Traduit de l’anglo-indien par Janine Neely – 418 p. – 1993 – Polémiste renommé dans le réseau des universités, l’auteur, un ami personnel de Fidel Castro, a publié de nombreux ouvrages dénonçant le néo-impérialisme sous toutes ses formes.


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