L’appeau affleure
Déporté par les Allemands à la toute fin de la guerre, un homme revient dans son village après des années d’exil. Autrefois considéré par plusieurs comme un membre de la résistance tchécoslovaque, son retour est marqué par des festivités et des cérémonies officielles. Mais Anton, malgré tous les voeux et les manifestations d’amitié, a changé depuis son départ. Il est devenu solitaire et taciturne. Étant coiffeur pour hommes de son métier, son caractère renfermé risque de nuire à ses affaires. Mais ses concitoyens tentent de ne pas en faire de cas et continuent d’affluer chez lui comme si de rien n’était afin de l’apprivoiser à force de patience. Alors que passent les années et que les souvenirs douloureux des années de guerre s’estompent dans l’esprit de tous, Anton se réchauffe au contact de ses semblables. Mais, même là, il refuse systématiquement de révéler quoi que ce soit au sujet de son internement. Anton, au bout de quelque temps, commence à courtiser une jeune veuve – elles ne manquent pas dans le village – et bientôt, les noces sont célébrées. Les années passent marquées par les naissances et, alors que tous espèrent dans les lendemains qui chantent, les nuages s’amoncellent à l’horizon. En 1968, les chars soviétiques entrent en Tchécoslovaquie afin de réprimer le vent de changement qui souffle sur le pays. Très vite, les contestataires fuient les grands centres afin de se cacher dans les campagnes. Le village ne fait pas exception et certains d’entre eux trouvent refuge chez de courageux fermiers qui les dissimulent. Pour le village et ses environs, c’est une reprise de la guerre alors que toute la communauté refait connaissance avec la clandestinité. Curieusement, les Russes n’ont aucune difficulté à trouver les réfugiés et à les capturer. À la suite d’un hasard, l’un d’eux, un ancien déporté de la guerre, se retrouve nez à nez avec Anton. L’ayant reconnu, il explique qu’Anton, pendant la guerre, se faisait passer pour un Juif et profitait de la confiance que les véritables Juifs lui manifestaient afin de les donner à la Gestapo. Incrédules, les villageois rejettent une accusation qui risque d’entacher leur héros local. Mais le doute naît dans les esprits. On remarque que, effectivement, depuis que les réfugiés sont venus se cacher dans la région, Anton multiplie les absences sous prétexte de gérer ses affaires au chef-lieu. Certains refusant d’être dupe, arrivent facilement à le démasquer en le photographiant alors qu’il sort du quartier général de la force d’occupation. Mais la question n’est pas réglée pour autant. Qui est Anton ? Un fasciste ? Un communiste ? Ou tout simplement quelqu’un qui a pris plaisir à la trahison ?
– Kay Caryo – Traduit du tchèque par Diane Euvan – 426 p. – 1989 – Étrange mise en place d’un être d’exception. Apparemment, l’ivresse de la notoriété s’accommode de n’importe quelle compagnie. Et si un héros peut prendre goût à l’héroïsme, soit par dépendance ou par dévotion, qu’en est-il du personnage du traître ? Telle une pierre précieuse finement ouvrée, l’âme humaine multiplie les facettes.
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