vendredi 19 novembre 2021

Catalogue

 

Le bureau de concentration


Dans une société du futur, les personnes condamnées par la justice ne sont pas punies par des amendes ou des peines d’emprisonnement. Le système judiciaire, dans une société tout entière vouée aux loisirs, soumet les fautifs à un univers pénal d’un caractère différent : le monde du travail. Les coupables, les indésirables et les contrevenants se trouvent donc réduits au rang de parias, vivent parqués dans des quartiers « spéciaux » où ils demeurent coupés du monde extérieur. Tout l’appareil bureaucratique est formé par le service obligatoire de colonies entières de forçats généralement soumis, ne rêvant que du jour où ils retrouveront la liberté et, surtout, les innombrables plaisirs qui lui sont indissociablement liés. Leur libération dépend uniquement de la qualité du service qu’ils fournissent à l’État. Ainsi, quelques-uns, particulièrement maladroits, qui ont été condamnés pour des manquements bénins se sont retrouvé sanctionnés à perpétuité, tandis que les plus débrouillards, malgré des crimes graves, ont réussi à se faire affranchir rapidement à cause d’un dossier impeccable. C’est donc avec angoisse que les nouveaux venus tentent de s’acclimater à ce monde dont l’extérieur n’entend que rarement parler. Depel est un jeune homme condamné pour vol qualifié qui est déporté au ministère des Finances où il doit occuper un poste de commis. Idéaliste, il avait toujours mis en doute les comptes rendus colportés par tout un chacun. Mais son premier contact avec le monde du travail le désarçonne totalement. En secret, il entreprend la tenue d’un journal où il relate fidèlement les événements qui jalonnent son service obligatoire sur un ton morne et accablé, qui n’est pas sans rappeler les comptes rendus des survivants des camps de la mort. Il s’étend avec une application masochiste sur le transport des travaillants matin et soir dans des wagons de métro bondés où des gens entassés les uns sur les autres prétendent ne pas prendre conscience de la présence d’autrui. Il reste interloqué devant la hargne maladive des chefs de bureau qui réussissent à transformer en catastrophe de vaste ampleur les tracasseries anodines du quotidien, avec les sanctions que cela suppose. La terreur des condamnés est omniprésente sachant que, pour un infime manquement, leur peine peut être prolongée indéfiniment. Enfin, Depel reste ébahi devant le manque de scrupules d’à peu près tout un chacun qui envisage n’importe quelle bassesse afin de faire porter tout blâme par quelqu’un d’autre, et ce, à n’importe quel prix. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Nezdek, une femme désabusée et prête à tout, sinon pour s’en sortir, tout au moins pour rendre son séjour le moins pénible possible.


 – David Haval – 308 p. – 1998 – Roman accablant et noir où les parallèles avec le monde du travail actuel ne manquent pas de prendre le lecteur à la gorge comme une marée pestilentielle.

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