vendredi 30 septembre 2022

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Les pains tardent


Dans la foulée de la chute du mur de Berlin et de celle du socialisme en Europe, il semble que soit venu le temps des bilans. En prenant pour point de départ la propagande occidentale tout au cours de la guerre froide, l’auteur résume celle-ci au concept suivant. Le contexte d’affrontement, généré par l’opposition entre socialisme et capitalisme, a créé une véritable incertitude économique, ce qui a entraîné en retour une relative paupérisation de la classe ouvrière. Ainsi donc, la chute du mur de Berlin a suscité d’immenses espoirs, tant à l’Est qu’à l’Ouest, quoique pour des motifs différents. Si à l’Est, le motif a surtout été l’éventualité d’une plus grande liberté, à l’Ouest ce fut surtout l’augmentation du niveau de vie qui a séduit la classe ouvrière. Mais le passage à une économie de marché en Europe de l’Est n’a pas entraîné là-bas une meilleure qualité de vie. Au contraire, l’élimination implacable des industries moins performantes, qui demeuraient indispensables dans une économie planifiée pour leur faculté de générer de nombreux emplois, a acculé à la misère une part importante de la main-d’oeuvre. Le même phénomène s’est produit en Occident où, depuis la « victoire de la liberté », les conditions de vie des masses laborieuses, tant en Europe qu’en Amérique, se sont dégradées constamment. Parallèlement à l’effritement du pouvoir d’achat des travailleurs, les comptes rendus économiques rapportent, année après année, des profits records et une santé économique exceptionnelle. La prospérité issue de la guerre froide n’est donc pas un phénomène généralisé. Il s’agit en fait d’un enrichissement extrêmement restreint dans l’espace social. Alors que les classes laborieuses, des deux côtés de l’ancien rideau de fer, attendent avec une impatience croissante leur juste compensation pour les sacrifices qu’ils ont consentis, la propagande victorieuse du grand capital tente avec de moins en moins de succès de concilier les espoirs inspirés par le triomphe du libéralisme et la réalité actuelle. Le grand défi qui attend les sociétés industrialisées dans les années qui vont conclure la fin du siècle et, avec lui, du millénaire sera de développer un discours rassembleur où riches et pauvres trouveront des motifs pour travailler ensemble afin d’assurer leur prospérité respective et commune. Car, comme le note amèrement l’auteur, à quoi pouvait bien servir d’abolir un mur séparant deux mondes si ce n’était que pour en ériger un nouvel entre deux classes et, de cette manière, donner en définitive raison au discours des vaincus d’hier. Et l’auteur de fournir cette mise en garde aux décideurs : « Les vaincus d’hier ne sont-ils pas souvent les vainqueurs de demain ? »


 – Noël Joued – 506 p. – 1997 – Sans doute le plus éclairé des essais portant sur l’après-socialisme, cette oeuvre, qui a remporté la Plume d’or à la foire du livre de Luxembourg, est devenu un incontournable, cité autant par les érudits que les gens d’affaires.


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