mercredi 14 septembre 2022

Catalogue


 

« Il mourut néanmoins lorsque vint la neige. »


À partir de cette citation tirée de l’oeuvre de Robert Louis Stevenson Le maître de Ballantrae, l’auteur Peter Elliott Wettohle, philosophe et linguiste britannique, entreprend de remonter aux sources de la science du langage. Il prend d’abord une approche historique afin de décrire les origines de la langue écrite. Wettohle explique que le calcul précède l’écriture en ce sens que les premiers vestiges écrits que l’humanité ait laissés étaient les comptes que les Sumériens tenaient scrupuleusement. C’est donc à partir des livres de compte que l’écriture a fini par germer en se distinguant, sans doute grâce à un processus extrêmement lent et progressif, de la consignation pure et simple des valeurs marchandes. En même temps que leur étonnante divergence, c’est l’étroite complémentarité entre mathématiques et écriture qui les unit dans l’inconscient collectif et qui a fait de cette double invention – qui n’en est finalement qu’une seule, selon Wettohle – la plus grande réalisation du génie humain. C’est ensuite dans le champ de l’étymologie que se poursuit la démonstration alors que l’auteur explique que, en fait, écriture et mathématiques ne sont que deux branches, deux excroissances, de la même invention originale. Mais ces deux branches ont évolué en suivant des paramètres clairement différenciés, quoiqu’étroitement complémentaires. L’auteur démontre que, dans tout système de représentation, il existe la syntaxe, c’est-à-dire la structure, et la sémantique, c’est-à-dire le sens. En renvoyant dos à dos syntaxe et sémantique, il illustre que ces deux concepts représentent extrêmement bien, respectivement, les mathématiques et l’écriture. Dans le cas des mathématiques, leur logique formelle, dont on se sert bien souvent pour représenter des réalités inaccessibles ou totalement théoriques, repose sur une syntaxe stricte. Cette dernière fait figure de cadre à l’intérieur duquel les scientifiques peuvent faire évoluer des sémantiques variables et spéculatives, tels des univers à dimensions multiples, où le sens est littéralement créé par la syntaxe. À l’inverse, l’écriture est fondée avant toute chose sur le sens qu’elle renferme et si la syntaxe de la langue existe bel et bien, elle n’est qu’un aspect secondaire face à la sémantique, à tel point que, au cours de l’évolution d’une langue donnée, c’est le plus souvent le sens qui détermine les paramètres de la syntaxe. Les aspects les plus fascinants à la fois de l’écriture et des mathématiques découlent des expériences respectives auxquelles on les soumet et où des chevauchements, tels le degré zéro de l’écriture ou l’invention de langages mathématiques, permettent à ces deux disciplines de remonter à leur origine commune lointaine.


 – Peter Elliott Wettohle – Première publication : 1987 sous le titre Ballantrea Act – traduit de l’anglais par Janine Neely – 602 p. – 1990 – Sur un ton humoristique typiquement anglais, l’auteur démontre non seulement la parfaite complémentarité entre deux systèmes de représentation, mais également son exquise maîtrise de l’écriture.


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