dimanche 10 octobre 2021

Catalogue


Mot du président


Dix ans dans la vie d’un homme, c’est peu. Mais dix ans dans la vie d’une maison d’édition, c’est considérable. Sans doute parce que, dans le monde de l’édition plus qu’ailleurs, les choses se précipitent, le temps file et les journées s’achèvent toujours trop tôt. Aurait-on beau les étirer en recourant à tous les moyens que peut développer un imaginaire fécond, il n’en demeure pas moins que le temps ne se déroule pas au même rythme dans mon bureau comme à l’extérieur. Là sans doute faut-il chercher la raison de mon étonnement devant les accomplissements que nous avons réalisés au cours de ces trois mille six cent cinquante-trois jours pensant lesquels nous avons vécu dans une angoissante intimité, avec un bonheur indicible, car nous avons réalisé par là un rêve qui nous était cher.

Il y a une décennie, quatre amis fondaient, contre tout bon sens leur avait-on dit à l’époque, une nouvelle maison d’édition, alors que, selon toute évidence, le paysage culturel québécois était certes bien doté sur ce chapitre. Était-il sensé pour quiconque, de vouloir jouer des coudes dans un milieu aussi fréquenté, alors que bien d’autres avaient succombé aux incontournables lois du marché ? Certes non. Mais lequel d’entre nous se serait vanté alors de faire preuve de bon sens ? Sans doute étaient-ils idéalistes, confiants dans leur bonne étoile, et d’un entêtement de mule. Bien leur en prit, car, malgré les obstacles et les longues périodes de découragement, leur pugnacité et, surtout, leur inconscience, les ont servis au-delà de tout espoir.

En effet, en 1988, Laure Dussault, Elsa Moncelet, Laurence Desmarais et moi-même déposions auprès des autorités compétentes une demande d’incorporation pour les Éditions Crobard. Nous étions persuadés alors, comme nous le sommes aujourd’hui, que le succès allait nous attendre au bout du chemin. Mais, comme se le plaisait à le répéter un des mes professeurs à l’époque du collège : « Il n’y a qu’un seul endroit où le succès vient avant le travail : dans le dictionnaire ! » La boutade ne perd pas en pertinence ce qu’elle gagne en humour, et nous l’avons expérimenté de prime abord, avec tous les aléas que cela suppose.

À ce moment – et de cela je m’en souviens fort bien – , nous n’avions pour tout capital que quelques milliers de dollars, un ordinateur d’occasion et une brassée de manuscrits obtenus de nos amis ou que certains auteurs, plus en mal de chance que de talent, nous avaient confiés dans l’espoir qu’une jeune maison comme la nôtre soit plus tolérante quant à leur manque d’expérience littéraire. De cela, nous ne pouvions jeter la pierre à personne, car nous-mêmes ne bénéficiions d’aucune expérience pertinente au domaine de l’édition, sinon quelques connaissances littéraires. En revanche, nous étions habités par une énergie sans faille qui, comme les dernières dix années l’ont démontré à l’envi, nous ont permis de soulever les montagnes.

C’est donc avec une touchante méconnaissance des périls que nous nous sommes attelés à la tâche et que nous avons fait nos premiers pas dans ce monde inconnu jusqu’alors. Dix ans plus tard, j’ose enfin avouer à tous ces écrivains qui ont placé leur confiance en nous et en nos capacités combien j’admire leur goût du risque. Et je n’hésite pas plus longtemps à leur faire toutes mes plus plates excuses pour nos erreurs et nos insuffisances passées... et à venir. Merci à eux pour leur précieuse et indéfectible collaboration.

Je veux également remercier ces personnes que je côtoie tous les jours et avec lesquelles j’ai maintenant l’impression de former une grande et belle famille. Qu’il s’agisse des infographistes, des correcteurs-réviseurs, des illustrateurs et de tout le personnel administratif qui nous ont si souvent protégés de nous-mêmes. Je tiens à mentionner en particulier Élise de Bellefeuille et Josée Légaré-Aubin, nos précieuses collaboratrices, coordonnatrices et directrices qui, à ce que j’ai constaté au fil des ans, semblent en savoir plus sur les Éditions Crobard que quiconque, incluant votre humble serviteur.

Une reconnaissance toute spéciale va à Laure Dussault, notre vice-présidente à la publication qui a su garder un air de jeunesse à nos formats, et qui, avec une patience d’ange, a su tenir tête aux avis un peu trop conservateurs d’un président par ailleurs trop occupé pour se tenir aussi bien qu’elle au fait des innovations tant artistiques que techniques.

Je m’en voudrais de passer sous silence la contribution exemplaire de mon vieux complice Laurence Desmarais, ce grand homme de lettres et surtout de théâtre, qui, en 1994, a décidé de reprendre du service dans les coulisses de la Comédie nationale où il excelle depuis avec le même talent que nous lui avons connu tandis qu’il oeuvrait prés de nous.

Enfin, toute ma plus profonde reconnaissance pour Elsa Moncelet, vice-présidente à l’édition, visionnaire, muse, égérie et compagne de ma vie toutes ces années. Je ne compte plus les jours où, fatigué et hésitant, elle m’a insufflé encore plus de son extraordinaire énergie.

À toutes et à tous, je ne peux que reconnaître vos accomplissements et votre talent. 

Merci.


Jules Meilleur

président

Éditions Crobard, septembre 1998*



* Il est à noter que les Éditions Crobard ont cessé leurs activités en décembre 1998.


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