vendredi 12 janvier 2018

Louis-Ferdinand, pas touche!

J’ai toujours été fasciné par l’espèce de culte entourant la mémoire de l’écrivain français Louis-Ferdinand Destouches, dit «Céline».

Bref rappel, Céline est considéré par plusieurs comme un auteur de génie; une sorte de mauvais génie en fait, puisqu’il s’est abouché avec l’occupant lors de la Deuxième Guerre mondiale. Longtemps, on a prétendu qu’il n’avait pas collaboré avec les nazis, mais des révélations plus récentes ont démontré qu’il avait profité de la présence des Allemands en France pour avancer sa carrière aux dépens de collègues, entre autres dénonciations.

Ce qui est certain, par contre, c’est qu’il était violemment antisémite, publiant avant et pendant la guerre des pamphlets à cet effet. De même, il affirma dans ses écrits ses sympathies à l’égard de l’occupant nazi, à tel point qu’il ira se réfugier en Allemagne au moment de la libération du sol français par les armées alliées en 1944 pour ne retourner en France qu’en 1951, après avoir reçu l’amnistie.

Je me souviens, entre autres, d’une interminable discussion avec un de ses admirateurs où nous nous renvoyions la balle dans une sorte de dialogue de sourds. J’accusais Céline d’être un fasciste et mon vis-à-vis insistant exclusivement: «Oui, mais c’est un écrivain de génie!» Comme si le génie pouvait effacer le crime; comme si on pouvait être génial en traitant une partie de l’humanité moins bien que s’il s’agissait d’animaux.

Finalement, je me résolus à prendre le taureau par les cornes et je me suis procuré un exemplaire de son premier roman, un de ceux qui sont le plus encensés, Voyage au bout de la nuit. J’ai réussi à tenir jusqu’à la moitié. Si le génie consiste à écrire le plus possible comme on parle, je m’attends, quant à moi, à beaucoup mieux en littérature.

Dernièrement, sans doute sous le coup de la réputation grandement surfaite, Gallimard avait annoncé vouloir rééditer les pamphlets antisémites de Céline, sous forme d’«édition critique», au prétexte de les mettre en pleine lumière afin d’éviter qu’une curiosité malsaine pousse les gens à les lire sans les balises nécessaires. La maison d’édition omettait bien entendu de mentionner que ces écrits étaient disponibles sur Internet ou chez les bouquinistes. Finalement, devant le tollé que cela a provoqué, le projet – fort heureusement – est tombé à l’eau. Il se publie déjà suffisamment d’affligeants pensums comme ça.

Quant à l’édition critique, de vous à moi, pensez-vous vraiment qu’elle aurait eu une influence bénéfique sur les fascistes?

Moi non plus.

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